En langue Ewé, Elom signifie ‘’ Dieu m’aime’’. Partant de cet amour, l’homme est radical dans son engagement sans fards pour une Afrique unie. Ne pas y croire, ce serait abdiqué et ce n’est pas le genre de ce rappeur aux multiples casquettes qu’Africulturelle vous présente à travers cet entretien.
Africulturelle : Bonjour Elom 20ce. Vous êtes un artiste rappeur ‘’Africain’’ du Togo, fervent défenseur du panafricanisme que nous avons découvert lors de Arctivism 27. Avant d’en venir à ce concept, dites-nous qui est Elom 20ce ? Que signifie ce pseudo ?
Elom : Elom 20ce est un Homme Radikal. Parfois Artiste, parfois Activiste panafricain et des droits de l’homme, souvent les deux. Elom 20ce, c’est un faux pseudo. Mes vrais noms. Elom signifie « Dieu m’aime » en Ewé. 20ce est le dessin de Vince, mon nom de Baptême.
Arctivisme, c’est quoi le concept ? A Dakar, Césaire était au cœur de l’évènement.
Grosso modo, Arctivism est un concept qui a pour objectif de revisité l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora à travers ses grandes figures. C’est un projet qui permet de créer des ponts entre les artistes à message. Il est itinérant. Au départ, c’était un triptyque : Projection documentaire, discussion débat et enfin l’art exprimé sous toutes ses formes (Chant, rap, graffiti, contes, slam, danse, etc.). Depuis la dernière édition consacré à Angela Davis à Lomé, le concept ne se confine plus à une soirée. Il se décentralise, en investissant les écoles, les universités, les prisons, et prochainement la rue. En sept années d’existence, il y a une vingtaine de figures qui ont été célébrées, plusieurs capitales africaines visitées (Ouagadougou, Cotonou, Dakar), des villages du Togo , des quartiers de Lomé et Paris en Europe.
Pour la 28e ou 29e édition, qu’est ce qui est prévue ?
La vingt-huitième édition a eu lieu à Lomé en janvier passée, avec Angela Davis à l’honneur. Nous avons eu de remarquables personnes ressources comme Amzat Boukari-Yabara, Léonora Miano et Akua Naru qui ont accepté de nous honorer de leur présence. Il y a eu des ateliers d’échanges, des conférences, en prison, à l’université de Lomé, des lycées, etc. La vingt-neuvième est prévue pour Août 2014 à Accra (Ghana), avec Marcus Garvey à l’honneur.
Dans l’actualité de Elom 20ce, il y a Indigo, sortie en fin 2015 et dont la promotion se poursuit. Indigo, pourquoi ce titre ?
Indigo en référence au indigènes, à la douleur dépassée, au deuil, au jazz, mais aussi à la septième couleur de l’arc-en-ciel invisible à l’œil nu qui représente la Force en nous mais qu’on peine à voir. Indigo, c’est un clin d’œil, à Duke Ellington pour son morceau Mood Indigo, mais aussi aux reals McS que je considère comme les jazz men d’aujourd’hui.
Comment se sont passés l’enregistrement, la collaboration avec les différents participants ?
On pourrait écrire un livre pour répondre à cette question. Il y a eu beaucoup de participants sur cet album. Pas juste ceux qui ont posés leurs voix mais également les instrumentistes et les beatmakers. L’album a été enregistré entre Lomé et Paris. J’ai eu l’opportunité de travailler avec des artistes talentueux: d’Oxmo Puccino à Blitz the Ambassador en passant par Le Bavar de La Rumeur, Sitou Koudadjé, Pépé Oléka, Amewu, Sir Okoss, Prince Mo, Zalem, Avénon, Kezita, etc. La plupart des instruments et les arrangements ont été faits par Kofi alias Alexis Hountondji, un musicien très talentueux qui d’ailleurs était à Dakar pour Arctivism 27. Des instrumentistes de divers horizons ont joué dessus : Cameroun, Ghana, Togo, France, etc. Je ne peux pas tous les citer ici. Ce sont des Artistes que j’apprécie beaucoup. Ce fut des moments de pures merveilles.
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Indigo, c’est votre deuxième album. Peut-on dire qu’elle est la synthèse de tout ce que vous avez eu à faire artistiquement depuis la classe de seconde où vous avez commencé à rapper ?
Je dirai que Indigo est le dernier volet d’une trilogie : Légitime défense le maxi, Analgézik le premier album. C’est surtout moi et mon regard d’africain sur le monde au moment où je l’ai écrit.
Parlez- nous de vos débuts dans le rap.
Mes débuts dans le rap. Cette question me fait toujours réfléchir. Ma relation avec le rap n’a pas vraiment de début. Je me suis un jour retrouvé dans une coulisse, attendant de monter sur scène. Et je me suis retrouvé plusieurs fois à le faire. Je pense que j’ai débuté le rap fin des années quatre vingt dix, parce que c’était une musique différente, et qu’elle me permettait de m’exprimer comme je le souhaitais. J’ai fait ma première radio, en août 2001. Le premier projet son est sorti vers 2007. C’est seulement en 2010 que je me suis senti prêt pour partager mon premier projet solo : Légitime défense un maxi de sept titres. Ce sont des repères, mais je pense que j’ai débuté le rap avant ma naissance…
A quel moment la prise de conscience et l’engagement pour le panafricanisme ?
Quand j’étais à la fac, je pense. Plus jeune, je ne supportais déjà pas les injustices. J’écrivais à un être imaginaire. A la fac, j’ai pu faire le lien entre les injustices que je pouvais voir dans le quartier, à la maison, des choses que j’ai vécues à l’école et l’état de nos universités et pays. Un livre qui a suscité cette prise de conscience est sans doute « l’Afrique doit s’unir » de Kwame Nkrumah. Mais avant, le rap a été un vecteur de conscientisation, une musique qui m’a poussé à réfléchir, à creuser sur l’état de l’Afrique et sa diaspora.
Pour vous, une Afrique unie peut devenir une réalité ? Quelles sont les actions à mener pour y arriver ?
Ne pas croire en une Afrique unie en ce moment, c’est abdiqué. Il n’y a pas d’autres voies pour nous à part l’unité. Elle se présente aujourd’hui comme la seule solution viable à nos problèmes économiques, politiques, culturels, etc. En ce qui concerne les actions, elles sont nombreuses. En tant qu’artiste, modestement, nous essayons de bâtir des ponts et politiser les masses, de se rencontrer souvent entre africains et réfléchir ensemble sur nos problèmes. Arctivism tente modestement d’y contribuer. La culture a un rôle fondamental à jouer dans ce sens. Mais au-delà, il faut d’autres actions qui doivent venir de nos leaders. Mais je n’ai pas confiance en eux. Je crois en la culture de la conscience historique. Les jeunes doivent s’engager en politique. Ils ne peuvent plus laisser les rênes de nos Etats à une classe vieillissante qui a renié l’Afrique. Tout le reste est un secret, je ne sais pas qui me lit.
Le mot de la fin ?
L’Afrique, c’est maintenant. Acceptons de nous regarder comme des Pharaons et allons bâtir des pyramides. Ce n’est pas avec des jérémiades que cela se fera mais par la culture de l’excellence et l’organisation. Ce n’est pas un mot, mais un programme.
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