Serment de Médecin est un roman signé Moustapha Diop. Il est publié par les éditions l’Harmattan Sénégal. La séance de présentation est prévue ce 03 Février 2018 à la Salle Amady Aly Dieng de la maison d’édition. En attendant Amadou Moustapha Dieng, journaliste, poète surnommé »Lyrisme ambiant » nous fait la critique.
Un lecteur qui manque de témérité hésitera à aller à l’assaut des 236 pages du serment d’un médecin. Un livre pourtant facile à lire mais dont le volume peut décourager plus d’un. Pourtant l’auteur, une plume fine et suave, nous introduit comme dans un rêve dans son récit qui chaloupe entre les terres mouvantes des amours et les vagues sauvages du choix
Yamar, ce jeune médecin qui accepte de s’engager avec une ONG pour un poste très déshérité en témoigne le nom du village « Weet » délibérément choisi par l’auteur et qui signifie en langue walaf endroit désertique et solitaire. Un premier choix déjà qui indique que la notion du choix est omniprésent dans le récit et qui dit choisir induit le refus l’autre option d’où l’arbitraire dans toutes décisions humaines
Les personnages aux profils bien travaillés sont très humains et cela renforce la proximité d’avec le lecteur qui pourra certainement s’identifier à l’un ou à l’autre assez facilement ,toutefois l’auteur nous dépeint un héros presque parfait en Yamar n’eut été ses déviations et déviances amoureuses. En cela, l’on sera tenté de lui dire « un toubib n’est pas un ange »
Parlant de la trame, elle est bien déroulée avec des pans de récit qui s’entrecoupent d’où l’accentuation de l’intrigue et le désir du lecteur d’aller encore dans la lecture pour dévorer les pages afin de découvrir les secrets et trouver les énigmes de ces vies. J’avoue que j’ai surpris ma main en train de tourner des pages a la hâte ou même de sauter quelques feuilles pour revoir l’épilogue d’une histoire, avant de revenir à la page initiale. En cela les narrations sont captivantes et la technique de l’analepse (procédé de style par lequel on revient sur un événement antérieur au récit en cours) est bien utilisée
Que dire aussi de la succulence particulière qui épice les descriptions des scènes coquines et charnellement sensibles sinon que l’auteur n’est pas en terrain pour ne pas dire en « lit »inconnu , tant et si bien il dépeint les humeurs, les humours, les nuages, les orages et les chutes de ces humaines précipitations . Le docteur donc Yamar se rend compte qu’en dépit de ses efforts immenses, « soigner » ce peuple, dont le corps est infecté par une nouvelle pathologie (l’Ailleurs) relève d’une gageure, alors il décide d’ailleurs bien malgré lui de tenter de soigner son âme et son esprit à travers la médecine traditionnelle ainsi apparait dans le récit un personnage assez iconoclaste Serigne Ndiolame, un marabout tout puissant comme on en voit au Sénégal.
Une maligne tentation de se saisir avec des gants de la question des religieux et de leur talibés une question bien sensible et complexe que l’auteur ne traite peut être pas sous un angle beaucoup plus critique, sans nul doute pour ne pas froisser le caractère miraculeux du remède proposé par Serigne Ndiogane ou pardon sacrilège ! Serigne Ndiolame.
Par contre ce qui m’a particulièrement charmé se sont les citations wolof qui traduites avec maitrise et justesse dans la langue de Molière renferment une saveur si exquise et amusante bref du grand art chapeau bas ! Je retrouve l’ambidextrie d’un certain Amadou kouroumah.
Toutefois un plaisir dilué par la rareté des dialogues dans la narration, je ne sais si c’est un choix ou un refus mais en tout cas je reste sur ma faim et comme consolation je me contente du succulent brunch, de ce coup de génie littéraire consistant à introduire un rêve écrit et transcrit ou plutôt un incipit romanesque dans le récit lui-même.
La moom chapeau bas !
Amadou Moustapha DIENG journaliste culturel a Sud FM