Pierre Ntsemou est un écrivain congolais, poète, romancier, nouvelliste et dramaturge. Il a publié, entre autres, Tremblement de terre au ministère des affaires alimentaires, en 2013 aux éditions Publibook; une pièce de théâtre qui fait encore l’objet de débats à Brazzaville.
Comédie en cinq actes, Tremblement de terre au ministère des affaires alimentaires est la deuxième pièce de théâtre de Pierre Ntsemou, après Les déboires de Patrice Likheur publiée chez l’Harmattan en 2013. Si la première évoque grotesquement le bar et l’alcool, la seconde nous parle, et non sans dérision, de victuailles et de marché. L’évocation burlesque de son titre porte la sous-jacente sentence suggérée par Jean de la Fontaine dans la fable Le Milan et le rossignol : « ventre affamé n’a point d’oreilles ». Au vrai, il s’agit d’une hausse généralisée et persistante des prix des denrées alimentaires que décrie des personnes indigentes comme Mouhouélo ou que banalise des personnes nanties comme Kissina (Acte I, Scène 2). L’inflation a vite fait de susciter une émeute populaire menée par les Brebis vendeuses, premières impliquées dans le négoce de marchandises (Acte III, Scène 4). Et l’Etat de préconiser une médiation (Acte III, Scène 3). Le gouvernement sera remanié (Acte IV, Scène 2) et très vite le pot aux roses découvert: tout est né d’un énorme complot entre Kintsia et Kimbou (Acte V). Recherche d’une absolue transparence ou, simplement, de rectitude, on retiendra de cet ouvrage une acerbe satire à l’endroit des factieux et avides acteurs de la machine politique.
Par ailleurs, ce qui frappe dans l’œuvre de Pierre Ntsemou, c’est d’abord et d’une son écriture ampoulément construite. Page après page, on retrouvera des homophones, des paronomases, des assonances, des paréchèmes, un semblant de rime (156, 157 et 182) et des digressions discursives, étouffant parfois la diégèse, rendant parfois le propos surérogatoire. Néanmoins, la bigarrure fait du texte une juste restitution de la musique, donc le rend poétique.
Pierre Ntsemou se rapproche toutefois de ses contemporains, que sont entre autre Ernest Bompoma, Edouard Kali Tchikati, Jessy Loemba et Virginie Awe, par le choix d’un espace fictif, d’un temps indéterminé, à priori situé dans la première décennie du XXIe siècle ou la dernière du XXe, d’une corrosive satire politique et d’une anthroponymie et bien d’autres éléments du langage renvoyant au sociolecte congolais. C’est le cas dans Tremblement de terre au ministère des affaires alimentaires avec les noms de certains personnages: Libabé, Moutima et Ntsui Téké Opi, ou de certaines expressions comme boukouter pour dire manger, page 21, ou demi-terrains, pour parler d’itinéraires tronqués dans les transports urbains, page 29.
Emeraude Kouka, critique d’art et critique littéraire.