Edouard Kali-Tchikati est ingénieur des Eaux et forêts et pasteur dans une communauté évangélique de Brazzaville. Auteur de plusieurs ouvrages, il a, entre autres, publié : Le fonctionnaire naguère respecté et envié (roman, L’Harmattan, 2010), Le mariage interdit (L’Harmattan, 2014) et Sodou, le bébé de la décharge publique (Edilivre, 2015).
L’approche littéraire d’Edouard Kali-Tchikati procède de l’appréhension du fait social et de la rectitude des mœurs. Comme ses autres livres, Sodou, le bébé de la décharge publique est dénonciatif et se veut un bréviaire. L’évidence en est le fort usage du truisme qui assied, avec un naturel d’ingénu, chaque répréhension comme une vérité de La Palisse. D’ailleurs, tout ce roman est un truisme. C’est le récit de Koun Touek, femme à qui rien ne cause quelque vergogne, qui a vu dans la naissance de sa fille un embarras au point de la céder au hasard de la rue, parmi les immondices. Lors même que l’histoire se déroule dans la fictive ville de Pisabra, la psyché commune tiendra ce malheur public pour réel et populaire. Le revers échappe à la tragédie et gage sitôt un destin qui commande le respect et l’admiration. Donc, cet enfant rejeté, plus tard appelé Sodou Moïse Dieudonnée, survit, grandit dans un établissement charitable, termine ses études avec l’éminent rang de professeur en Médecine, se marie et fait des enfants. Pour trait final, l’auteur confronte les deux personnages et montre chez Koun Touek la réconciliation comme une tentation permanente. Pourtant, il faudra que celle-ci peine sur un lit d’hôpital pour que sa fille manifeste un élan de générosité, tant par obligation professionnelle que morale. Hélas! Le moment est fatidique et clôt le roman par un enchaînement de rationnelles superfétations.
Sodou, une interpellation sur notre sens de la responsabilité
D’un point de vue thématique, le sujet est clairsemé. Les auteurs congolais s’enlisent souvent dans une urgence militante immédiate, d’ubuesques bigarrures du quotidien, une extension des prérogatives de la femme ou prisent l’intrigue amoureuse. Edouard Kali-Tchikati se rapproche toutefois de ses contemporains que sont, entre autres, Ernest Bompoma et Jessy Loemba, à travers notamment le choix d’un lieu fictif, à une ère où la plupart des hardiesses romanesques sont sensu stricto réalistes, une onomastique recherchée comme le révèle l’anthroponymie du roman en question avec des personnages tels que Mpassi, qui fait écho au terroir congolais et Sodou à la langue sango de Centrafrique, et un dessein utilitaire qui est tenu pour blâme. L’intention rappelle les intemporels Henri Lopes, Sony Labou Tansi et Emmanuel Dongala, quand bien ces derniers n’en étaient pas avant-gardistes.
Au niveau de l’écriture, l’auteur est prosaïque. Entre le courant, le cliché et le lieu commun, il n’est de place pour quelque construction ondulée. Le vocabulaire est effacé et l’argumentation parfois embarrassée d’une trop grande piété qui étouffe les licences du narrateur.
Au-delà de tout ce qui précède, Sodou, le bébé de la décharge publique doit être lu comme une interpellation de notre sens de la responsabilité, de notre humanisme et, simplement, notre rapport à la vie.
Emeraude Kouka, critique d’art et critique littéraire