L’individualité dans la communauté
Pour l’artiste Alioune Diouf, l’ouverture d’esprit est une manière d’être. Il ne se met pas de cloison dans sa vision de la vie. Cela se reflète dans son œuvre. Autodidacte, le plasticien partage ses émotions naturellement, comme elles viennent.
Sur toile, sur tissu ou en fresques, Alioune Diouf fait apparaître des multitudes de visages aussi expressifs les uns que les autres. Les yeux grands ouverts dénotent d’une grande curiosité. Une curiosité qui demande une grande attention pour comprendre ce qui se passe tout autour. «Étrangers et semblables, ces hommes sont en marche à l’écoute des paroles inaudibles du monde, dans une quête d’humanité, nous raconte Alioune Diouf», lit-on sur la note de Jennifer Houdrouge, commissaire de l’exposition «Ubeku», Ouverture qui s’est tenu du 27 novembre 2020 au 27 février 2021 à l’espace Selebe Yoon.
A côté de ces visages, le visiteur ne manque pas de remarquer ici et là les contours d’un oiseau, d’un cheval ou même de serpents. Des éléments ayant trait avec la nature. «Ses études se sont déroulées en plein air, par le biais d’observations directes avec le monde», lit-on dans la biographie de l’artiste. Sur ces créations, l’artiste laisse libre court à l’imaginaire et fait percevoir sa relation avec le spirituel.
Des figures totémiques, des éléments cosmiques, végétaux ou floraux, des êtres hybrides tel qu’un homme-baobab ou un homme-oiseau coexistent avec ces visages interrogatifs. Le travail de Alioune Diouf reflète ce lien avec la nature : les matières utilisés, les traits des personnages à la fois simples et complexes, les symboles…
«Alioune Diouf dissémine dans ses œuvres des symboles universels qui ont attisé l’imaginaire de chaque civilisation pour leur évocation sacré: la croix, l’œil, l’œuf, la lune et l’oiseau. Aussi universelles soient-elles, ces figures sont les compagnons intimes et spirituels de l’artiste.
L’oiseau, intercesseur entre le ciel et la terre, souvent adossé ou immergé au sein des personnages, est un messager de l’esprit pour l’artiste. La croix, tel un axe représente “l’homme debout” pris d’un désir de verticalité; l’œuf – symbole du cycle de la vie, est enveloppé dans les turbans des personnages, entre leurs sourcils ou suspendus au-dessus d’eux.
Son travail incarne le débordement: chaque figure dessinée – de l’oiseau, à l’arbre, à l’homme, – ne s’arrête jamais à sa forme, mais se déploie et s’étire au-delà de ses contours», note Jennifer Houdrouge.
Humaniste convaincu, l’artiste soutient que les Hommes sont tous liés puisque descendant des mêmes ancêtres : Adam et Eve. Et il croit en l’avenir : les enfants. Selon l’artiste, «le meilleur des hommes est celui qui construit l’enfant. C’est-à-dire construire un avenir pour l’enfant pour qu’il puisse prendre la relève».
Au cours de ses longues années d’expérience, le plasticien a bâti une philosophie basée sur une grande liberté tout en évoluant dans un monde d’interdépendance. En 1989, il fait la rencontre de la figure emblématique du Sénégal dans les arts, Issa Samb. Ce dernier l’invite à rejoindre la célèbre cour du 17, Rue Jules Ferry. Une invitation qu’il accepte volontiers devenant ainsi membre du Laboratoire Agit’ Art, un collectif interdisciplinaire qui organise des expérimentations artistiques.
Alioune Diouf y vivra pendant 28 ans, participant aux performances, aux happenings improvisés et aux ateliers du groupe. Dans les années 1990, il est également l’un des artistes chargés de redynamiser le Village des Arts de Dakar.
Son travail personnel a été exposé dans plusieurs lieux à Dakar, notamment au Pavillon de l’Institut Français (2019). Il a aussi montré son travail au-delà des frontières sénégalaises.
À travers le Laboratoire Agit’ Art, Alioune Diouf participe au Festival Africa 95 à Londres (1995), à l’exposition historique Seven Stories about Modern Art in Africa à la Whitechapel Gallery, organisée par Clémentine Déliss.
«Ses pièces faites en collaboration avec Issa Samb ont également été exposées lors de l’exposition How to talk with birds, trees, fish, shells, snakes, bulls and lions au musée Hamburger Bahnof à Berlin en 2019» renseigne sa biographie.
Awa NDAO